Ranger rendrait heureux ?
Longtemps considéré comme la chasse gardée des ménagères, le rangement est le nouveau hobby des fétichistes du bien-être. Psys et coachs sont formels: il aide à se recentrer sur soi et à mieux vivre dans le présent.
Depuis combien de temps n'avez-vous pas fait le tri dans votre dressing? Pourquoi accumuler autant d'objets dont vous n'avez aucune utilité? A quand remonte la dernière fois où vos papiers administratifs ont été classés? Rien qu'à l'idée de s'atteler à la tâche, vous soupirez déjà. Le désordre est comme un bruit de fond. Pis, un acouphène. La solution? Un grand remue-ménage.
Pour Marie Kondo, auteur du best-seller mondial La Magie du rangement, une maison ordonnée est le premier pas vers le bien-être, ou plutôt le "mieux-être". "Il est des périodes où l'on est plus préoccupé qu'à d'autres, où l'on ressent le besoin de faire le vide, de voir plus clair, répond la consultante. Cela se traduit souvent par une envie soudaine d'ordre chez soi."
"Ne garder que ce qui vous procure de la joie au moment présent"
Sa conviction: dis-moi comment tu ranges, je te dirai qui tu es... Le rangement serait non seulement une forme d'introspection, mais aussi de catharsis. En bref, le moyen de redémarrer sa vie sur des bases plus saines. "Si vous rangez tout en une seule fois, et non petit à petit, vous pouvez modifier de manière spectaculaire votre état d'esprit. Le changement opéré est si profond qu'il touche à vos émotions et influe irrésistiblement sur votre mode de pensée et vos habitudes au quotidien" Marie Kondo a une règle d'or: ne garder que ce qui vous procure de la joie au moment présent. Tout le reste doit passer au videordures ou être envoyé aux bonnes oeuvres: les vêtements jamais portés, trop serrés ou usés ; mais aussi les anciens cadeaux d'anniversaire, ou reçus pour Noël, qui ne vous plaisent pas ; les piles de livres "pas encore lus" qui forment des monticules sur votre table de chevet et que vous ne lirez sans doute jamais. Seuls les ouvrages qui ont leur place dans votre "panthéon de lecture" doivent figurer sur l'étagère.
Des phobiques du sac-poubelle aux rangeurs spirituels
Il y aurait quatre catégories principales de "dérangés du rangement". Tout d'abord, les phobiques du sac-poubelle. Leur maison est un bric-à-brac dans lequel s'amoncellent cadeaux, vêtements jamais portés et souvenirs d'enfance. En se séparant d'un objet, ils ont le sentiment d'abandonner une partie d'eux-mêmes. "Bien que nous sachions intuitivement qu'un objet ne nous attire pas, notre raison fait apparaître toutes sortes d'arguments nous empêchant de le jeter: 'J'en aurai peut-être besoin par la suite' ou 'C'est du gâchis?', analyse-t-elle. Objectif: chasser ces pensées parasites et passer à l'acte. Dans la deuxième catégorie, les "serial stockeurs". Ils achètent et conservent des quantités astronomiques d'un seul et même produit (fût-il alimentaire ou ménager) et transforment leur maison en bunker. Puis il y a ceux qui peinent à classer des documents administratifs. Le désordre les ralentit et conduit à un manque de productivité, au travail et dans leur vie. Dernière catégorie: les "rangeurs spirituels". En jetant et en remettant de l'ordre dans leurs affaires, ils cherchent à s'alléger l'esprit, à se libérer d'un poids. Le rangement est considéré ici comme un acte quasi méditatif.
"Ranger, c'est donner un sens aux objets"
Pour le psychanalyste Alberto Eiguer, auteur de Votre maison vous révèle. Comment être bien chez soi (Michel Lafon), l'habitat est comme une troisième peau - la première étant la peau biologique, et la deuxième, le vêtement. La façon dont on range est non seulement le reflet de notre personnalité, mais aussi de nos peurs et de nos conflits intérieurs. "Il y a une relation sentimentale qui s'affirme dans l'acte de ranger, explique-t-il. En plaçant un vêtement dans son placard, on l'intègre à sa vie. Ranger, c'est donner un sens aux objets."
Pour autant, il ne faut pas que cela tourne à l'obsession. Attention, donc, à ne pas devenir trop maniaque. "Celui qui range tout systématiquement est une personne qui ne supporte pas le contact avec ses objets. Il préfère garder à distance la sentimentalité qui le lie à eux", précise-t-il. Quant au désordre, il n'est pas toujours un point négatif. Tant qu'il reste modéré, il peut être un moment de liberté, de jouissance et de spontanéité. Bref, il insuffle de la vie dans une maison.
Alors comment se discipliner et trouver le bon équilibre? Pour éviter que le rangement ne soit une corvée, il faut le "ritualiser", en faire un moment - périodique, et non quotidien - de plaisir. Eteignez la musique et la télévision, et créez un "espace de quiétude". Le rangement est un acte solitaire. "Lorsque vos proches s'aperçoivent que vous avez décidé de faire le vide, ils peuvent se sentir coupables face à ce gaspillage éhonté. Mais les objets qu'ils récupèrent de votre pile à jeter ne feront qu'accroître la montagne de choses inutiles qu'ils entassent dans leur logement".
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