De l’art - thérapie par l’architecture (1ère partie)
INTRODUCTION
Un des Beaux Arts, l’architecture est très
rarement présente dans les propositions de thérapies médiatisées aussi bien
réceptives qu’expressives. Avec des patients souffrant de TCA, Gaucher-Hamoudi
et al. (2011, p.83) utilisent les
jeux de « construction de cabanes ou
autres espaces de protection». En danse - thérapie (Lesage, 2006) travaille
le rapport du sujet à l’espace qui l’entoure. Garneau (2006, p.98) rapporte la
construction de maisons en Kapla,
lors de séances en hôpital de jour, Sudres (2007, p.179) la réalisation de
maquettes de case africaine et de maison japonaise par un adolescent.
L’organisation interne de la maison est mobilisée lorsque les patients sont
invités à réaliser leur spacio - gramme (Benghozi, 2006, p.5 sqq.) ou le dessin de la maison de rêve
(Cuynet, 1999, p.59 sqq., et Pasteur,
2009, p.442). Jacinthe Lambert (2015, p.56),
art-thérapeute, indique clairement faire travailler les personnes souffrant de
stress post-traumatique sur la représentation concrète d’un « refuge sécurisant », à la fois en
dessin, peinture et collage. Darewych
(2013, P.85) utilise le dessin de ponts dans des paysages pour une démarche d’art-thérapie.
Slayton (2012, p.179) relate une prise en charge groupale d’adolescents avec
une production de maquettes de villes/quartiers.
Possédant la double compétence
d’architecte et de psychologue, nous nous proposons donc d’étudier la faisabilité de l’usage de l’architecture en
ateliers d’art-thérapie.
Nous commencerons par définir
l’architecture, le travail qui se réalise en atelier d’architecte puis les
affects dont témoignent les architectes dans leur pratique. Puis, nous
effectuerons une comparaison entre les pratiques d’ateliers d’architecture et de
thérapie médiatisée. Ensuite, dans
le cadre d’une démarche exploratoire, nous exposerons trois mises en œuvre
d’ateliers d’art-thérapie avec l’architecture réalisées dans des institutions
différentes. Enfin, nous analyserons les résultats obtenus dans ces ateliers
puis nous les discuterons.
1- DE L’ARCHITECTURE
1-1-DE
L’ARCHITECTURE, QUELQUES DÉFINITIONS
L’architecture se distingue de la
construction en général par la dimension supplémentaire de l’intention. En
effet, toutes les constructions
sont réalisées en vue de répondre à des fonctions précises de l’activité
humaine et en premier lieu d’abriter les personnes, de les soustraire à
l’agression de leur environnement, elle comporte de nombreuses dimensions
techniques qui se sont complexifiées au fil du temps.
L’architecture vient ajouter à ces
objectifs fonctionnels l’expression visible de l’aspiration, de la vanité ou de
la modestie, de ses commanditaires et de leurs architectes. Le plus ancien
architecte connu, Imhotep, constructeur du complexe funéraire de Saqqarah, fut
divinisé. Certains de ses successeurs dans cet art, ne manquent pas de se
penser au-dessus du commun.
Si les fonctions les plus simples peuvent
se suffire d’une expression ordinaire, les bâtiments religieux et
institutionnels ont toujours fait l’objet de souhaits dépassant leur fonctionnalité
primaire (Glancey, 2013, p.6). Les
architectes chargés de les concevoir mettent alors en œuvre un langage qui
leur est propre et qui donne à saisir selon les situations :
- la relation de l’homme à son(ses) dieu(x)
- la place de l’institution dans son
environnement social
- les hiérarchies humaines
- la place de l’homme
- …
L’architecture
vernaculaire désigne
l’architecture sans architecte. Elle concerne la plupart des bâtiments
modestes, en particulier d’habitations individuelles. Elle s’appuie sur les
traditions et les matériaux locaux et reflète les valeurs des populations qui
l’utilisent. Réalisée dans les mêmes matériaux que l’environnement dans lequel
elle est bâtie, elle se fond souvent dans le paysage (Beech, 2013, p.25).
Si elle peut paraître
« primitive » à certains, l’architecture vernaculaire est pourtant
assez sophistiquée dans la mesure où elle a intégré, au cours du temps, des
principes techniques de construction adaptés au climat, aux besoins d’air, de
lumière, de chaleur, de fraicheur, etc… De plus, elle a intégré des règles de
dispositions spatiales qui reflètent les fonctionnements sociaux :
relations entre les habitants du bâtiment, relations avec les étrangers à la
vie domestique. Elle inscrit également dans le solide l’organisation des
diverses fonctions qu’elle abrite : dormir, manger, recevoir, … « La merveilleuse architecture populaire,
faite sans architecte mais avec les capacités créatrices des artisans […] qui
se référaient à une sorte de modèle idéal […] ces maisons toutes différentes –
à chaque fois des œuvre originales – en même temps qu’elles étaient étrangement
semblables. » Riboulet, 2004, p.39
Pour L.I. Kahn (1996, p.71),
l’architecture « consiste en la
construction raisonnée d’espaces ». Pour Norberg-Schulz (1974, p.5)
qui en est un des théoriciens les plus prolixes,
« l’architecture
[…] comprend des paysages et des implantations, des bâtiments et une
articulation caractérisante. Elle est donc une réalité vivante. Depuis des
temps reculés, l’architecture a aidé l’homme à rendre son existence
signifiante. A l’aide de l’architecture, il a obtenu une assise dans l’espace
et le temps. L’architecture a donc un objectif qui dépasse la satisfaction des
besoins pratiques et économiques. Son objet est la définition des
significations existentielles. Les significations existentielles procèdent de
phénomènes naturels, humains et spirituels. L’architecte les traduit en formes
spatiales. […]Dans l’architecture la forme spatiale signifie lieu, parcours et
domaine, c’est-à-dire la structure concrète de l’environnement humain.
L’architecture ne peut donc pas être décrite de manière satisfaisante au moyen
de concepts géométriques ou sémiologiques. L’architecture devrait être comprise
en terme de formes signifiantes (symboliques). »
Mais, comme le dit Kahn (1996, p.71),
« l’architecture, en réalité
n’existe pas. Seul existe le travail d’architecture ». Lors de notre
étude sur ce dernier (de Lagausie, 1984), nous avions montré comment ce « travail d’architecture » est, selon
Kahn, le jeu d’assemblage d’éléments programmatiques, de l’ « ordre » induit par la matérialité
des sites et des matériaux et de l’impulsion ou « désir d’exister» que
l’architecte pressent du futur bâtiment. Pour Kahn, les décisions
architecturales proviennent d’un « sens
mystérieux que l’homme a pour exprimer ces émerveillements de l’âme.[…]
Exprimer la haine… Exprimer l’amour… Exprimer l’intégrité et la capacité
… ». A son sens, si l’architecture comprend plus de contraintes que
l’art du peintre ou du sculpteur, qui peuvent représenter « des roues
carrées », elle est néanmoins à même de porter le « privilège » qu’à l’homme de
s’exprimer.
1-2-DU
TRAVAIL D’ARCHITECTE EN ATELIER
En France, l’architecture a été
alternativement associée aux Beaux Arts avec la peinture, la sculpture et la
gravure, et aux arts de l’ingénieur. Depuis 1968, la formation des architectes
est indépendante d’autres corps de métiers et se trouve selon les
gouvernements, dans la compétence du ministère de la culture ou dans celle du
ministère de l’équipement. Ainsi l’architecture est regardée parfois comme un
art, parfois comme une technique.
La réalisation de bâtiments nécessite la
mise en œuvre de diverses techniques appartenant
à de nombreux corps d’état :
travail du sol et fondations, gravité, efforts du vent, et parois verticales,
intempéries et couverture, etc. La connaissance des diverses techniques à
utiliser dans l’acte de construire doivent donc être intégrées dès les
prémisses de la conception du bâtiment de telle sorte que des impossibilités à
réaliser ne se révèlent au cours d’études plus approfondies, voire durant le
chantier. L’architecte est donc un généraliste :
« il est comme le chef d’orchestre jouant une symphonie, non comme un
virtuose qui jouerait de chaque instrument à la perfection. En tant que
praticien, l’architecte coordonne une équipe de professionnels, composé
d’ingénieurs en génie civil et d’ingénieurs mécaniciens, […] ainsi que d’autres
spécialistes. Le plus souvent les intérêts des uns ne coïncident pas avec ceux
des autres. Un architecte doit en savoir suffisamment dans chaque domaine pour
être capable de négocier et de faire converger des exigences contradictoires,
tout en honorant les besoins du client et en respectant l’intégrité de
l’ensemble du projet » (Frederick, 2012, p.21).
Le travail du concepteur, de
l’architecte, est essentiellement de prendre
en compte les techniques pour les faire oublier à travers une œuvre qui
doit les transcender, plutôt que de les considérer comme des contraintes
limitatives de sa créativité. La différence importante avec les autres arts est
dans le nombre de ces techniques incontournables.
Qu’il s’agisse d’éléments techniques ou
de données légales et programmatiques, l’activité d’architecture est pour une
grande part une activité de synthèse,
c’est pourquoi la métaphore de Frederick concernant le chef d’orchestre est
parlante à toutes les étapes de la réalisation d’un projet. Il en est de
l’architecture comme de la composition musicale symphonique, l’obligation de
prendre en compte les sonorités de chacun pour en faire une œuvre commune.
Une autre proximité de l’architecture et de la musique est le caractère contenant de leurs œuvres
pour l’être humain qui souhaite en profiter. Bâtiment comme œuvre musicale ne
s’abordent en acceptant de s’immerger dedans. Si les sens en jeu, ouïe pour
l’un, vue pour l’autre, sont différents, néanmoins la perception des deux peut être un espace contenant pour le
sujet.
La musique et l’architecture ont
également en commun l’usage habituel, mais non obligatoire, du contenant qu’est
pour l’une comme pour l’autre le rythme.
En effet, si un rythme structure la plupart des typologies musicales, de même
en architecture, la contrainte des efforts en compression et des ouvertures ont
conduit à des réalisations de façades rythmées de pleins et vides. Les ordres
classiques sont en effet, plus que des modèles décoratifs de colonnes, des
proportions de vides/pleins qui donnent la régularité à la façade.
Pour Renzo Piano (2007, p.27),
l’architecture est un art caractérisé par « le franchissement systématique
des frontières entre les disciplines » mais, surtout, un art « qui
ressemble incroyablement à la musique, qui est le plus immatériel de tous les
arts. La légèreté […] appartient à la musique, à l’écriture, à la peinture,
mais aussi à l’architecture. »
Au XVIIIème siècle, la modernité avec
l’intérêt accru pour la notion de masse en physique a cependant transformé
l’architecture en lui permettant de mettre en valeur, non plus l’espace
contenu : place aux façades régulières ou intérieur aux belles
enfilades ; mais le volume perçu dans son entier : objet posé sur un
fond disponible. Ainsi nos églises auparavant enchâssées dans les habitations
se sont retrouvées montrant les détails techniques de leurs arcs-boutants qui
n’avaient comme but que la capacité accrue d’agrandir les ouvertures ouvragées
de vitraux.
Nous avons donc pris l’habitude de
pouvoir faire le tour d’un bâtiment, de le considérer rapidement dans son
entier, finalement nous sommes face à lui comme face à une sculpture. Les
bâtiments sont ainsi devenus des figures
sur un fond en arrière plan.
Comme la sculpture, le bâtiment peut être
perçu comme résultant de formes additives, c’est-à-dire résultant d’un assemblage d’éléments distincts ;
ou de formes soustractives qui semblent avoir été creusées à partir d’une forme pleine préexistante ; ou de
formes façonnées ou modelées qui semblent le produit d’un matériau plastique auquel on aurait appliqué une force
directe (Frederick, 2010, p.56).
L’architecture a donc bien des éléments
communs avec les autres formes d’arts. En outre, elle correspond au premier
sens de l’art, à savoir une activité
fabricatrice de l’homme et non un produit de la nature. « L’architecture est l’art d’articuler le
monde grâce à la géométrie. […] L’être humain articule le monde au moyen de son
corps.[…] En réalité l’activité de l’homme articule le monde. » (Ando,
1988, p.97)
Elle est également un art au sens d’une
technique, c’est à dire d’un ensemble de procédés permettant d’obtenir un
résultat déterminé. Ensuite, elle est également un art au sens actuel et
occidental qui sous-tend une intention une intention dépassant ses qualités
d’usage.
Ce qui distingue l’architecture de toutes
les autres activités artistiques est la place qui y est donnée à l’homme, ses
dimensions, ses besoins, ses sensations. En effet, quelque soit la qualité d’un
bâtiment, on lui demande d’être adapté aux hommes qui l’habiteront. C’est
pourquoi quelque soit la dimension de la représentation d’un édifice, les
proportions des portes et des fenêtres nous renseignent toujours sur le gabarit
réel de celui-ci. « La seule chose importante en architecture est la
proportion » disait Mies Van der Rohe (Cook et Klotz, 1974, p.85)
Entre pratique artistique et activité
technique, le travail de l’architecte se déploie de multiples façons. Il faut
néanmoins noter que de nombreux architectes pratiquent également d’autres
activités créatrices ou artistiques, la plupart du temps violons d’Ingres,
elles sont parfois également reconnues. Le Corbusier était également sculpteur
et peintre, Christian de Portzamparc écrit, peint, sculpte (De Bure, 2003,
p.16).
La plupart des architectes considèrent
leur activité comme un art. Ils se disent artistes en recherche d’originalité
(Cook et Klots, 1974, p.74). « Ici
aux Etats-Unis, les architectes aiment encore à se considérer eux-mêmes comme
des artistes.[…] les architectes européens qui ont suivi le Bauhaus
hésiteraient à employer [ce mot]. […] J’accepte le mot « artiste »
dans un sens très étroit. Si vous l’entendez dans le sens général de
créativité, très bien[…] mais si l’on entend par là prendre des décisions qui
ont trait essentiellement à l’aspect visuel du problème, ou dans le sens d’une
architecture qui ne s’inspire que de concepts stylistiques,[…] alors non. »
Johnson (Cook et Klotz, p.141)
1-3-DES
BÉNÉFICES PSYCHIQUES DE L’ARCHITECTE
L’architecte est un professionnel qui
s’inscrit socialement en organisant les espaces dans lesquels se vivent les
activités intimes ou sociales de chacun. Mais il est également un sujet qui
utilise la demande de conception comme une opportunité de s’exprimer lui-même,
de donner à voir une part de sa subjectivité, évoquant un de ses premiers
projets, Castro (2010, p.177) écrit « je
m’y raconte à travers l’architecture […] il peut paraître étrange de parler
d’autobiographie à propos d’un bâtiment. C’est pourtant bien le cas, tant à
l’extérieur qu’à l’intérieur. »
Sans que cela ait été analysé
scientifiquement, il semble que beaucoup d’architectes aient des difficultés
d’expression verbale. Christian de Portzamparc raconte une sorte de
dissociation des deux activités l’une de nomination l’autre de dessin, comme
disjointes pour lui avant d’avoir construit (De Bure, p.20). Liliwood (2016),
dyslexique et architecte indique dans son blog que « les dyslexiques pensent en images » et facilement en trois
dimensions, d’après elle, les architectes dyslexiques seraient en vogue aux
États-Unis. Ainsi, le choix de ce métier permettrait de donner à certains la
pleine mesure à ses compétences et de ses besoins d’expressions en passant outre des difficultés de langage
verbal, « fabriquer [une œuvre] non
pas celle des mots mais celle des lieux et de leur discours muet.[…] mon
métier m’offre une chance inestimable, celle de faire du logos à partir du
topos, de la pensée à partir du visible » (Castro, 2010, p.299).
Plusieurs architectes rapportent avoir eu
dès l’enfance un fort goût pour la
construction réelle ou ludique, voire qu’ils y exprimaient déjà un réel talent.
Christian de Portzamparc gagnait un premier prix d’un concours de châteaux de
sable à 10 ans (De Bure, p.35). Il est certain que le passage de l’idée à sa
représentation graphique puis à sa réalisation construite procure un plaisir
qui rappelle les manipulations créatives de l’enfance. Les architectes n’osent
souvent pas se l’avouer tout en mettent en avant la lourdeur de leurs tâches.
Pour d’autres, le bâtiment ou
l’architecture était une histoire de famille.
« Mon grand père était maçon, comme
il se doit [pour un creusois]. Voici l’architecture qui arrive
[…] Pour mon père, être architecte représentait la réussite sociale
incontestable […] cette route était toute tracée puisqu’elle restait dans la
filière du bâtiment, comme son père, comme lui-même, en y occupant des places
différentes.» Pierre Riboulet (2004, p.13 et p.44)
« L’architecture est faite pour calmer la mélancolie » aime à
dire Christian de Portzamparc citant Philibert Delorme (de Bure, 2003, p.22).
Certains architectes vont trouver dans l’exercice du métier une manière de
régler son compte à des douleurs de
l’enfance. «Mes parents ne
disposaient que d’une chambre de bonne. […] Au départ j’avais une question
à régler, inconsciente avec l’habitation, l’architecture, la façon qu’on les
villes de se rebâtir incessamment sur elles-mêmes. […] Il est certain que
ces conditions de l’enfance […] ont profondément déterminé mon caractère et ma
façon d’être dans la vie et dans le métier qui a été le mien, qui l’est encore»
Pierre Riboulet (2004, p.7-8 et p.21). « Au commencement, il y a une dette : celle que j’ai contractée
envers la France. […]La passion que je mets dans mon travail d’architecte s’y
enracine : me battre est une obligation. […] je n’ai pas trouvé d’autre
manière de m’acquitter de ce que je dois » écrit Roland Castro (2010,
p.9-10) qui indique également « l’espace
restreint de l’appartement de [ses] parents où [il] avait l’impression qu’on
lisait dans [ses] pensées » (p.151)
Par son inscription dans la durée et dans le paysage, l’architecture offre
une place très visible à ceux qui la produisent. L’architecte Philip Johnson
(Cook et Klotz, 1974, p.71-73) affirme qu’ « une construction devrait exprimer la « volonté de
puissance » », que « toute
architecture est monumentale ». Il dit que « le désir d’immortalité est le seul vrai but. Comment deviendriez-vous
immortel sans monument ? […] Tout ce qu’on fait, on le fait du point de
vue de l’éternité, sub specie aeternitatis. Je conçois sub specie
aerternitatis. Si vous laissez tomber ce désir d’immortalité, vous n’obtenez
que du dessin bon marché, ou cette ligne diagonale qui est « à la
mode » cette année, plutôt que le sentiment du monument […] si vous pensez
que cela durera, si vous pensez que c’est une partie de votre désir
d’immortalité […] Pour moi, chaque artiste devrait être conscient de sa place
dans l’histoire. Il détruit une partie du paysage quand il construit. A cause
de cela, il vaut mieux qu’il soit monumentaliste. »
« Une vie entière consacrée au travail, pour répondre aux nécessités
quotidiennes mais aussi et en même temps pour construire une œuvre, quelque chose qui risque de rester après
moi, comme ces maisons creusoises qui nous parviennent à demi en ruine et
dans lesquelles les premiers occupants et les premiers constructeurs ont laissé
les traces de tout leur savoir, de toute leur énergie, qui parlent
encore. » (Riboulet, p.22) « Etre
architecte, c’est fabriquer du patrimoine, produire de la mémoire» (Castro,
2010, p.299).
De plus, l’architecte est conscient de la place sociale de son travail, cela
peut également satisfaire son besoin de reconnaissance. « L’architecture n’est pas une activité isolée.
Elle est, pour une grande part, un élément […] du mouvement général de la
société. » Kevin Roche (Cook et Klotz, p.89). « Peut-on […] parler de sagesse ? Oui,
dans le sens de l’accomplissement de l’œuvre, en accord avec ses objectifs
moraux […] Non, si l’on pense à ce qui reste à faire, à construire […] pour que
chacun trouve enfin une dignité, pour que la société soit belle et équitable
[…] Un architecte doit garder cette capacité de révolte qui fonde son travail »
(Riboulet, p.24). « Nous prenons
conscience de la place de l’architecte dans la société : il appartient à
une caste de privilégiés » pense Castro (2010, p.72) lorsqu’il est
étudiant en architecture aux Beaux Arts.
Tous les architectes, sont, à travers
leur travail, à la recherche d’émotions heureuses
perçues dans des bâtiments. « Mon premier voyage en Italie à
vingt et un ans […] a été la source des émotions parmi les plus fortes que j’ai
vécues. […] voir dans la réalité ces édifices que j’avais maintes fois sublimés
par le dessin me procurait une sorte de vertige, un plaisir à nul autre pareil. »
raconte Riboulet (2004, p.52) « C’est
lorsque je me suis retrouvé à l’intérieur du Panthéon, à Rome, que j’ai pris
pour la première fois réellement conscience de la notion d’ « espace
architectural ». Ce que j’ai expérimenté à ce moment-là n’était pas un
espace au sens conceptuel du terme. C’était indiscutablement un espace bien
réel qui s’offrait à ma vue. […] On ne pourrait jamais ressentir dans la nature
cet effet né de la matière et de la lumière. Une telle scène n’est possible que
dans l’architecture, un ensemble de formes conçues par l’esprit humain. Cette
« force », dont l’apparition m’a bouleversé, je veux lui donner le
nom d’architecture » rapporte Tadao Andô (1989, p.114). Pour l’architecte,
l’émotion du changement de perception entre le réel du bâtiment, du paysage, et
sa perception antérieure par le biais des photographies et dessins est
importante ; c’est un éprouvé qu’il recherchera par la suite dans sa
pratique : « On cherche quels
bâtiments ont été autrefois capables de susciter ces sentiments. C’est à eux
qu’il faut se rattacher » nous indique Loos (1898, p.47)
« Créer des rapports et des tensions capables de lier entre eux des
objets disparates, telle est l’ambition de Christian de Portzamparc. […] La
ville est la finalité collective civilisatrice à laquelle l’architecture doit
servir. La ville est un phénomène d’une complexité qui dépasse la pense
technique. » (de Bure, 2003, p.124) Une autre émotion trouvée dans la
démarche de conception est la réalisation de l’unité du projet, unité qui se dessine le plus souvent petit à
petit après une longue confrontation entre des fonctions et des éléments
contradictoires. «La maison creusoise est
à l’image exacte des hommes et des femmes qui l’habitent. Grise. D’une tenue
impeccable. Sans ostentation, sans bavardage, sans décor inutile. […]
Nulle part je n’ai éprouvé un tel sentiment d’unité, qui me fondait dans mon
être même. Ce principe de réalité si fortement affirmé rendait la métaphysique
en quelque sorte secondaire. […] L’une des clés de toute composition artistique [est] de produire
l’unité à partir de la diversité. […] Je
n’ai jamais oublié les règles de composition, comment atteindre l’unité du tout
à partir de la diversité des parties. » (Riboulet, p.14, 39 et 58)
(suite ici )
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