De l'art-thérapie par l'architecture (2ème partie)
2- ATELIER
D’ARCHITECTURE ET ATELIER D’ART-THÉRAPIE, QUELLES PROXIMITÉS ?
Notre problématique est de valider le
travail d’architecture, c’est-à-dire les tâches d’un atelier d’architecture, comme
activité d’un atelier d’art-thérapie expressive. Il nous faut donc en premier
lieu définir quels sont les critères d’un atelier d’art-thérapie, puis quelles
sont les activités d’un atelier d’architecture, enfin quelles activités peuvent
correspondre à un atelier d’art-thérapie utilisant l’architecture.
2-1-QUELS
CRITÈRES POUR UN ATELIER D’ART-THÉRAPIE ?
Les ateliers regroupant des participants
et un ou plusieurs animateurs autour de tâches ou d’activités à réaliser,
peuvent participer de diverses dynamiques.
Il peut s’agir d’activités
économiques où un cadre,
animateur, éducateur, responsable d’atelier, est chargé de faire réaliser des
tâches convenues d’avance à des participants, liés par un contrat
d’assujettissement. Une rémunération des participants est à la clé, mais leur
liberté de création est faible. Les ESAT permettent à des personnes empêchées
par un handicap physique ou psychique d’être ainsi en activité professionnelle
en milieu adapté.
Il existe également des ateliers où un
professionnel est dans une démarche d’enseignement d’une tâche à des
participants qui en attendent une progression dans leur savoir-faire. Des
ateliers de ce type existent à la fois dans l’enseignement en vue de
l’obtention d’une qualification et en activité de loisirs. L’animateur est
rémunéré, plus ou moins directement par les participants. La créativité est
soutenue mais l’objectif peut être principalement dans l’acquisition d’une
technique créative.
Dans les services accueillant des
personnes empêchées de s’insérer par un travail, des ateliers peuvent être
organisés en vue de faire passer le temps des participants au lieu de les
laisser vaquer dans une chambre ou un espace contraint, voire devant le
spectacle télévisuel. Des activités plus ou moins créatives sont proposées sous
la houlette d’animateurs, professionnels de la structure. L’objectif principal
est d’occuper les participants et de leur éviter l’ennui et les ruminations.
Aucun de ces ateliers n’est de
l’art-thérapie, mais ils en présentent certains critères :
- l’animateur est un professionnel qui
connaît les tâches réalisables dans l’atelier,
- une acquisition de compétence technique
peut être mise en œuvre, sans devenir prégnante,
- l’espace temps d’atelier doit permettre
de sortir des ruminations mentales pour engager les participants dans le faire.
De plus, tous ont un cadre définissant le
lieu de l’atelier, les horaires, les participants et leur nombre, le ou les
animateurs et leur rôle.
Cependant d’autres critères doivent
différentier l’art-thérapie de toutes les autres formes d’ateliers :
- le professionnel qui anime l’atelier,
- la place spécifique des productions en
atelier,
- l’attention portée au travail de mise en
œuvre des productions.
En effet, l’art-thérapie se pratique avec
un professionnel du soin psychique et, éventuellement, un professionnel du type
de production à réaliser. De plus, les productions de chaque participant, si,
dans certains cas, elles peuvent être mises en valeur, il n’est habituellement
pas tiré partie de celle-ci. Enfin, le cheminement, les diverses étapes, le temps
passé, les regrets et les satisfactions du participant sont observés avec
attention par les art-thérapeutes.
A ces critères externes d’un atelier
d’art-thérapie, vont s’ajouter les critères internes aux participants :
- l’atelier met-il à jour des éléments de
la réalité psychique ?
- favorise-t-il des mouvements
psychiques ? lesquels ?
Si, en effet, l’atelier d’art-thérapie
n’est pas seulement un atelier d’expression artistique mais également et
surtout, un lieu thérapeutique, les professionnels du soin doivent pouvoir y
rencontrer une part de la réalité psychique du participant. Loin d’être
assimilable à un test de personnalité qu’un professionnel puisse directement
analyser, la production d’un patient, observée au fil des séances, peut
participer à l’analyse diagnostique de ses troubles et de ses ressources
psychiques.
De plus, et c’est, à notre point de vue,
l’aspect le plus pertinent de ce dispositif, l’atelier doit permettre et
surtout soutenir une transformation psychique du participant. Elle est « un accompagnement du travail d’un sujet sur
lui-même […] à travers ses productions soutenues par l’art-thérapeute »
(Klein, 2012, p.104). Pour plusieurs auteurs indiquent des critères
de validité des médiums utilisables dans la thérapie.
Sudres (2007, p.174 sqq.), reprenant Gabbaï, indique quatre propriétés des objets
médiateurs :
- « une propriété de « valeur analogique » » du médium
qui permet au sujet d’adopter momentanément une position d’écart par rapport à
son environnement présent et de possible évocation de son passé, puis de
tissage de l’un à l’autre.
- « une
propriété de « graduation ontologique » du médium qui permet au sujet de
renouer avec des plaisirs tactiles ou graphiques enfantins.
- « une propriété « d’utilité matérielle » du médium qui
permet aux adolescents de valider leur production par une utilité supposée.
- « une
propriété de polyvalence »
qui signe la véritable créativité adolescente en assignant à la production
réalisée une pluralité voire une complexité de significations.
Pour Morhain (2014, p.87), il s’agit de
« faire des choses qui ne peuvent
pas être dites mais qui sont de l’ordre du dire et qui peut-être sont les
choses les plus importantes.[…] Il s’agit de les soutenir à
« modeler », « transformer », quelque chose non pas de
soi-même mais de ce qui est en question dans soi-même et dans leur rapport à
l’autre. […] D’où l’intérêt
d’instaurer […] des dispositifs de médiations thérapeutiques qui impliquent un
écart, une ouverture vers la parole et l’échange symbolique, en tant qu’ils
contribuent à un travail d’élaboration psychique et de subjectivation. »
Anne Brun (2013a, p.119) reprend de
Roussillon, les trois fonctions, issues de la cure psychanalytique, que doit
présenter un dispositif clinique à médiation :
- « la fonction métaphorisante » c’est à dire la capacité « à activer la production de représentation et
leur transfert dans [l’expression] ».
- « la fonction phorique » qui est ce qui « permet à la psyché d’être portée ou contenue »
- enfin, « la fonction sémaphorisante » relève de la transformation en
signe, en message, en langage, du comportement et de la production du patient.
Anne Brun (2013b, p.293), dans une
démarche d’atelier groupal d’écriture avec des adolescents, note plusieurs
objectifs plus spécifiques assignés au médium :
- la capacité de matérialiser « une distance entre le Je et l’Autre dans le
Je ».
- la capacité de réunifier le corps et la
psyché, par un « travail
d’assemblage de vécus corporels morcelés », retrouver une image
réunifiée de soi.
2-2-QUEL
TRAVAIL D’ARCHITECTURE EN ATELIER ?
Le travail de l’architecte est de
concevoir des bâtiments ou des espaces en fonction d’une commande dans un site
donné caractérisé par sa morphologie et ses contraintes techniques et
administratives, puis d’en gérer la réalisation.
La phase la préparation du projet se
subdivise classiquement en 3 étapes (Lebahar cité par Bautier, 1993,
p.194) :
- une phase de diagnostic architectural,
- une phase de recherche de l’objet et,
enfin,
- une phase de modélisation de la
construction.
Le premier travail dans la première étape
consiste à prendre connaissance des espaces qui vont accueillir le projet, la
nouvelle construction. Cet environnement
urbain ou rural possède des caractéristiques à contourner ou à mettre en avant,
faut-il s’effacer devant elles ou, au contraire, réaliser un bâtiment
remarquable ?
En sus de l’analyse du lieu, ses dimensions, l’environnement paysagé, bâti,
l’architecte doit s’intéresser aux caractéristiques techniques (qualités du
sol) et administratives (droit à construire) de celui-ci. Parallèlement,
l’objet à construire doit être analysé sous les aspects de ses fonctions
(programme) et de son coût de réalisation.
C’est après ces travaux d’analyse que
l’architecte peut décréter ou non la faisabilité du projet envisagé par un maître
d’ouvrage commanditaire.
La période suivante du travail
d’architecte consiste à concevoir le
projet. Pour cela l’architecte va organiser des espaces et des surfaces en
passant successivement d’images mentales à tracés sur papier ou informatique.
Cette activité graphique a été étudiée par Thierry Bautier en vue de
l’enseignement de la discipline. Pour lui, « les graphismes d’espaces sont les supports […] de la représentation
mentale d’un problème spatial ». Il identifie trois fonctions à ces
représentations :
- « les fonctions heuristiques comme aides à la résolution de problèmes
spatiaux
- les
fonctions sémiotiques comme messages permettant le traitement graphique d’une
information spatiale, mais aussi aides à la résolution de problèmes de
communication
- la
fonction poétique comme mode d’expression du sujet. » (Bautier, 1993, p.188)
La plupart des dessins combinent
plusieurs de ces fonctions. L’activité mentale d’architecte est une activité de résolution de problèmes qui
tendent à satisfaire un « système de contraintes » (Bautier, 1993,
p.197). Compte tenu de l’abondance de celles-ci, les premiers graphiques vont
symboliser la prise en compte de plusieurs d’entre elles, puis se complexifier
en assumant de plus en plus de ces contraintes. « La réversibilité de ces opérations graphiques fournit la très grande
souplesse des dessins d’architecture comme modèles réduits, le droit à l’essai
est aussi un droit à l’erreur pour le sujet. Le dessin fournit un substitut à
l’objet, particulièrement malléable » (Bautier, p.199)
Avant l’utilisation du dessin assisté par
ordinateur, ce travail de dessin se faisait à main levée sur un support papier puis sur des calques dont la superposition permet de trier les informations/idées à conserver
pour en retravailler. Le travail à la règle et à l’équerre venant ensuite pour
calibrer et vérifier les tracés. « J’ai
toujours dessiné mes projets, pendant des heures et des heures, avec un té, une
équerre et de simples crayons, bien qu’il se soit agit quelque fois de
bâtiments gigantesques. » (Riboulet, 2004, p.21)
Suivant les logiciels employés, le
travail à l’ordinateur s’apparente plus ou moins au travail sur papier. Il y a
en effet superposition de couches assimilables à des calques que l’ont peut
rendre visibles ou cachés selon les besoins. Cependant le tracé souple et flou
du crayon se perd vite au profit des lignes droites et des perpendiculaires
ergonomiquement plus faciles à réaliser.
Des maquettes
d’étude permettent aux architectes de concevoir ou de valider des
organisations en volume trop complexes.
L’étape suivante consiste pour
l’architecte à mettre en forme un modèle
de l’objet à construire. Cette mise en forme va utiliser divers moyens graphiques socialement
validés : plans, coupes et façades, vues en perspective, simulation d’une
insertion dans le paysage, maquettes. Rappelons que ces diverses manières de
représenter un bâtiment sont des moyens symboliques au même titre que les
outils du langage et qu’ils sont lus par la plupart de nos contemporains parce
qu’ils ont fait l’objet d’un apprentissage scolaire ou implicite. Malgré tout,
ce sont des outils que l’architecte maîtrise alors qu’il est fréquent que son
interlocuteur n’en saisisse pas toutes les informations.
Plus qu’un simple code univoque, il
s’agit d’un langage commun aux architectes, qui a pour fonction de communiquer
à d’autres, la réalité future d’un objet à réaliser.
Suivant ses interlocuteurs l’architecte
va donc utiliser des ressources
graphiques permettant à ceux-ci de mieux appréhender l’objet. Par exemple,
pour le futur usager ou son représentant, l’évocation de mobiliers ou d’habitants, va permettre une meilleure lecture. Ou
encore, pour le futur maçon, l’inscription et la description des futurs
matériaux et de leurs dimensions, vont donner l’ampleur de des tâches à
réaliser.
Des maquettes
de présentation le plus réalistes possibles sont utilisées pour des projets
complexes dont la maîtrise d’ouvrage n’est pas professionnelle ou pour des
ensembles d’habitation destinés à la vente.
La plupart de ces tâches, hormis la
visite des lieux à investir, sont réalisées dans l’atelier d’architecture, par
l’architecte et ses collaborateurs.
2-3-
ATELIER D’ARCHITECTURE ET ATELIER D’ART-THÉRAPIE, QUELLES COMPARAISONS
POSSIBLES ?
Atelier d’architecture et atelier d’art-thérapie,
quelles différences ? Quelles proximités ? Dans ces deux démarches,
nous avons à faire à deux organisations temporellement
très différentes. Dans l’atelier d’architecture, il s’agit d’avancer vers
la formalisation d’un projet en y passant des plages horaires importantes à
toutes périodes d’activité possibles, contrairement à l’atelier de thérapie où
le cadre horaire va limiter l’investissement à une ou deux plages horaires
hebdomadaires le plus souvent.
Dans l’atelier d’architecture, les rendus
de projets sont prévus à des dates convenues par avance, ce qui est rarement le
cas en thérapie. Il arrive cependant parfois que dans un atelier
d’art-thérapie, les participants se donnent eux-mêmes un objectif de fin d’une
production coïncidant avec la fin d’une séance d’atelier ou d’une séquence de
plusieurs séances, voire que l’institution ou l’art-thérapeute ait un objectif
de présentation, de pièce de théâtre, d’exposition, qui engagent sur des
délais, ou que le rythme d’atelier soit de produire en un jet, éventuellement
une œuvre éphémère.
En ce qui concerne le rapport à l’œuvre produite, les deux démarches sont normalement
très dissemblables. Dans l’atelier d’architecture, que le professionnel soit
seul ou entouré, il s’agit de réaliser le projet qu’il désire et dont il sera
seul responsable alors qu’en thérapie médiatisée, les participants sont en
charge d’un projet collectif ou de projets individuels que le professionnel
soutient sans qu’il s’agisse de son propre projet. L’art-thérapeute est en
effet là pour donner un espace de création aux participants et soutenir
celle-ci, il se réalise professionnellement dans le soutien du mouvement
psychique de l’autre et non dans la qualité esthétique de la production de
l’atelier (Klein, 2012, p.207) contrairement à l’architecte qui se valorise
dans la conception même du projet.
Dans le travail d’architecture, le projet
a vocation à être concrètement réalisable dans un chantier alors que, dans
l’atelier d’art-thérapie, la production d’atelier est visée au premier chef, la
prolongation par une présentation étant tout à fait accessoire. De plus, en
atelier, chacun peut choisir de laisser en plan une production, ne jamais la
finir, en commencer une autre, etc. A l’inverse de l’architecte qui peut
envisager plusieurs esquisses pour un même projet mais dont l’une ou le mélange
de plusieurs doit aboutir.
En fait, l’architecte cherche à
satisfaire son client/maître d’ouvrage tout en se satisfaisant lui-même alors
que le participant d’atelier d’art-thérapie n’a théoriquement que lui-même à
satisfaire, même s’il peut arriver qu’il quête l’approbation de ses pairs ou
des thérapeutes.
Les médiums
utilisés par l’architecte sont multiples mais ils sont utilisés
successivement en vue d‘affiner la formalisation d’un projet. A l’inverse, en
thérapie, des médiums successifs peuvent être utilisés mais peuvent changer
d’objet : la maquette peut n’avoir aucun rapport avec le plan, la vue
d’intérieur avec la vue d’extérieur.
Cependant, ces médiums peuvent être tout
à fait les mêmes dans les deux type d’atelier : croquis et schémas à main
levée, dessins techniques en plan et en perspective, maquettes, sont
utilisables dans les deux types d’atelier. Les outils peuvent être plus ou
moins sophistiqués, artisanaux ou informatiques, ils peuvent demander plus ou
moins d’apprentissage initial, et sont utilisables par l’amateur participant
d’un atelier d’art-thérapie ou le professionnel de la conception de bâtiments.
Cependant en fonction de la technicité demandée ou des moyens financiers, il se
peut que l’on renonce à l’usage de certains outils. Le dessin assisté par
ordinateur peut être envisagé à condition d’avoir des postes de travail en
suffisance et de maitriser les logiciels ad’hoc.
Les maquettes généralement issues de découpage de matériaux spécialisés couteux
et de découpe au cutter, ne sont pas accessibles dans toutes les institutions.
Les autres matériaux et matériels sont proches de ceux qui sont mis en œuvre
dans les ateliers d’art-thérapie à dominante d’art plastique.
Dans le travail d’architecture, l’objet
représenté est un bâtiment et son environnement, il peut en être de même dans
un atelier d’art-thérapie. Dans le premier le bâtiment aura une finalité
extérieure à l’architecte, sauf quant il bâti pour lui-même, alors que dans le
second cas, le bâtiment aura directement et à coup sûr une finalité pour celui
qui le représente.
Il est donc techniquement possible
d’envisager un atelier d’art-thérapie utilisant le travail d’architecture comme
médium même si les finalités ordinaires de ces deux types d’exercice sont
divergentes, et les rythmes et durées d’investissement dans la conception de
projets différents. Il reste à savoir si dans le cadre d’un atelier
d’art-thérapie, le travail d’architecture peut avoir une utilité thérapeutique.
2-4-
ARCHITECTURE, QUELLES APPLICATIONS EN ART-THÉRAPIE ?
Utiliser l’architecture comme médium
d’art-thérapie consiste d’une part à user des outils de l’atelier
d’architecture et d’autre part à représenter des bâtiments et leur
environnement. Quelle pourrait être l’utilité de travailler sur l’objet
bâtiment plutôt que sur tout autre objet, voire dans une expression
abstraite ?
Pour Gaucher-Hamoudi et al. (2011, p.83), les constructions de
cabanes permettent « un travail sur
l’articulation des enveloppes sociales, personnelles, intimes. Jouer avec ces
bulles qui délimitent et protègent, révèle et favorise progressivement la
constitution de l’enveloppe corporelle entendue au sens d’une fonction
psychique de contenance. » Garneau (2006, p.98) rapport que grâce à la
construction de « maisons », « murs », en Kapla[1]
Simon progresse dans sa relation avec un tiers.
Les outils utilisés permettent à
l’architecte de communiquer aux maîtres d’ouvrage, aux administrations et aux
divers corps d’état, la représentation du futur bâtiment. Il s’agit donc de
présentations assez réalistes ou, du moins, conformes à des codes graphiques
culturellement connus. De ce fait, la production de projets d’architecture par
des amateurs va s’efforcer d’utiliser ces mêmes moyens d’expression. Les
résultats sont donc facilement lisibles, communicables et peu ambigus. Nous
pouvons y trouver là un effet soutenant.
En outre, le dessin par approximation et
superposition de couches successives avec le calque ou tout autre support,
permet un jeu d’essais et erreurs facilement réparables ainsi qu’une maîtrise
du trait peu habituelle à l’amateur. Le résultat va donc plus facilement
satisfaire et donc possiblement soutenir
le narcissisme de ceux qui le réalisent, à la fois par leur propre appréciation
et par celle des autres.
Avoir une thématique aussi prégnante
constitue une limitation de la
créativité des participants. Il n’est donc pas question que ceux-ci soient
cantonnés à ce seul type d’exercice, ils doivent avoir accès par ailleurs à d’autres
formes d’expressions plus libres, plus ouvertes dans d’autres ateliers ou à
d’autres périodes d’un même atelier.
Mais avoir une thématique forte peut
participer d’un cadre plus contenant
pour des patients perdus devant une feuille blanche ou enfermés dans une
production répétitive.
Cette thématique qui semble réduite est
en réalité propre à de multiples
projections, puisque le bâtiment, capable de contenir l’homme, possède une
pluralité de symbolisations et donc de projections possibles : le corps, la famille, la mère, le moi.
Elle renvoie également à l’histoire de
vie du sujet qui a vécu dans plusieurs habitats et environnements depuis sa
petite enfance.
Le travail sur le bâtiment est, de plus,
ipso facto, un travail sur le volume,
sur un contenant. Quelque soit la modalité de représentation utilisée, une
partie de l’objet échappe au regard
alors que nous savons qu’elle existe. Les participants sont donc
empêchés d’un « collage » complet, ne serait-ce que spéculaire, à
leur production. La séparation entre la
forme et le fond est toujours actuelle dans ce type d’activité.
L’édifice projeté possède toujours son unité propre, quelques que soient
les styles architecturaux, le projet forme un tout lisible dans ses
représentations. Il peut s’agit de travailler à assembler dans un volume
unitaire un certain nombre d’espaces ou de trouver une forme cohérente à une
addition de volumes. Ce travail de recherche d’ensemble peut être plus ou moins
difficile suivant la complexité du programme de la maîtrise d’ouvrage, mais
l’objectif d’unité est toujours présent. Le non-professionnel, le participant à
un atelier, peut être en difficulté pour obtenir cette cohésion mais le but d’y
parvenir ne peut pas disparaître et ce travail « d’assemblage de vécus morcelés » (Brun, 2013) peut être
attendu.
Dans le concret du bâti, comme dans la
sculpture, le rapport à la gravité
est un aspect techniquement majeur. Il s’agit du rapport au sol, comment
celui-ci peut soutenir l’édifice, de la descente des charges dans les parois,
les structures, de façon à ce que tout tienne. La différence entre haut et bas,
la logique de ce qui supporte par rapport à ce qui est supporté, ainsi que les
relations entre le bâtiment et son appui naturel, sont des éléments importants
de la conception. C’est un travail qui met en correspondance avec la perception
que nous avons tous de la gravité sur notre
propre corps (Wolflin, 2005, p.51).
Le bâtiment projeté est, contrairement à
la sculpture, autant un volume appréciable de l’extérieur qu’une portion
d’espace intérieur. Tout le travail d’architecture revient, in fine, à organiser des parois qui
séparent le dehors du dedans. Ces parois, murs, toitures, soubassement, peuvent
être épaisses ou fragiles, percées d’ouvertures ou opaques. Il n’est pas possible
de faire un travail d’architecture sans choisir
et façonner les parois de l’édifice. Ce travail peut renvoyer le sujet à
ses propres limites corporelles, à ses
enveloppes psychiques, sont-elles bien établies ou trop fragiles ?
(Houzel, 2010, p.31)
Le choix d’utiliser l’architecture dans
des ateliers thérapeutiques relève autant de notre capacité propre à déployer
des activités dans ce domaine qu’à notre intérêt pour l’art-thérapie. Ce choix
était-il pertinent du point de vue de la prise en charge des patients ? Un
atelier utilisant le médium de l’architecture peut-il assumer les fonctions
métaphorisante, phorique et sémaphorisante ? Peut-il favoriser la mise à
distance entre le Je et l’Autre dans le
Je » ? Est-il susceptible d’aider à réunifier le corps et
la psyché ? Présente-il les fonctions et propriétés nécessaires
telles qu’indiquées par Sudres et Brun ?
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