Art-thérapie et précarité, quels enjeux ? partie 1/4 : Précarité, de quoi s'agit-il ?


Voici  quelques réflexions non abouties concernant les rapports entre une population 
précaire aux multiples facettes et sa confrontation avec l’art ou l’art-thérapie telle qu’elle est relatée par les praticiens et non par les  éventuels bénéficiaires, comme le veut la loi du genre.

LES PERSONNES EN SITUATION DE PRÉCARITÉ 

Nous nous intéressons  à une population dont les caractéristiques les plus prégnantes se trouvent dans le champ du social et non celui de la santé  psychique, plus précisément  une population le plus souvent désignée par ses manques, de moyens financiers, de travail, de logement, etc.

Afin de déterminer quelques limites et contour de la population qui fait l’objet de notre

étude, considérons tout d’abord quelques désignations usuellement utilisées.



EXCLUSION – PRÉCARITÉ . Le terme d’exclusion, de "population en situation 
d’exclusion", vient désigner le groupe plus ou moins important de personnes empêchées de participer pleinement  à la vie sociale de la population générale qui les environne. Ce vocable vient insister sur le fait que cette mise à l’ écart est le fait de la société  majoritaire et non des personnes concernées. Cette désignation est   l’inverse de celle qui tend à revenir sur le devant de la scène politique : des exclus qui choisissent leur situation de marginalité, clochards philosophes ou marginaux "heureux", voire des chômeurs, qui refusent de faire l’effort de s’inclure par le travail.

En même temps, cette dénomination d’exclus est également une désignation en position victimaire avec tout ce que cela implique de risque de passivité  de la population concernée.

Deux  écueils sont donc fréquents :

- l’ élargissement du périmètre de la population exclue  à tous les individus qui se

sentent quelque peu  " en dehors"   du groupe social auxquels ils souhaiteraient

appartenir avec le risque de considérer tout le monde comme exclu d’une manière

ou d’une autre.

- la lutte contre l’exclusion dans sa dimension politique et sociale représentant la

seule réponse   la réalité  de l’exclusion avec le risque d’oublier la réalité douloureusement vécue par les personnes.


Le terme de précarité , voire de précarité  sociale, renvoie à  la réalité  d’un vécu qui paraît plus objectif. Il s’agit de situations où  le manque de sécurités est prégnant au quotidien. Il peut s’agir de manques en termes strictement matériels et quotidiens qui touchent la sécurité  de base des personnes : se nourrir, se loger,  être à  l’abri des dangers physiques. Il peut  également s’agir de sécurité  à  plus long terme : pérennité  des sécurités de base, revenu assuré  par un travail, droits assurés par des lois favorables, etc. Si le concept paraît plus objectif, il cache donc en fait de grandes disparités de ressentis des personnes concernées. Depuis l’employé fonctionnaire d’Etat en bonne santé  d’un pays politiquement stable dont il partage la culture majoritaire, jusqu’à la femme malade fuyant un pays en guerre, toutes sortes de niveaux et de types de précarités sont possibles.

Certaines précarités sont intrinsèques  à la personne : maladie physique ou psychique, sexe et orientation sexuelle, formation professionnelle, origine  économique et sociale, etc. D’autres précarités sont inhérentes  à l’alentour : solidarité  familiale ou rejet, environnement social inclusif ou excluant, territoire de vie sécure, ou en guerre ou soumis  des al as naturels, politiques publiques protectrices ou régime de terreur. Les personnes peuvent donc cumuler plusieurs précarités.


UNE VARIÉTÉ  DE SITUATIONS. Parmi les études effectuées sur des ateliers de

thérapie spécifiques  à des personnes en situation d’exclusion ou de précarité , nous avons trouvé, plusieurs types de populations concernées :

- les personnes  étrangères en demande d’asile ou de refuge,

- les personnes  étrangères installées mais socialement marginalisées,

- les personnes en grande pauvreté,

- les personnes sans domicile fixe,

- les personnes psychiquement malades.

La plupart des auteurs soulignent un cumul de précarités.


LA PRÉCARITÉ  FINANCIÈRE ou pauvreté  est celle qui interpelle le plus l’ensemble du corps social d’autant plus que chacun peut s’imaginer en être touché  au cours de sa vie. Les indicateurs de cette précarité  paraissent les plus évidents dans la mesure où  ils font appel à des données chiffrées, lesquelles sont toujours dotées d’une aura de solidité  et donc de validité . Il est actuellement d’usage pour  évaluer cette pauvreté  d’utiliser le seuil de pauvreté . Le seuil de pauvreté  se situe à  partir de 50% du revenu médian de la population générale. Les personnes, dont le revenu est inchangé d’une année sur l’autre, peuvent passer au-dessus ou en dessous du seuil de pauvreté  si le revenu médian monte ou baisse (Observatoire des inégalités, 2016). En France, le seuil de pauvreté  pour une personne seule est de 828 € mensuels en 2014. En France, l’actuel Revenu de Solidarité  Active (RSA) permet de garantir un revenu minimum aux foyers français et   certains  étrangers sous conditions. Le montant du RSA vient complêter les revenus du foyer pour atteindre un minimum qui est de 524,68€ mensuels pour une personne seule (Droit-finances.net, 2016)

Les personnes  étrangères sans activité  salariée sont dans une  économie précaire :

mendicité , ventes de cueillettes illégales (Bonami-Redler, 2014), récupérations pour se loger, se nourrir (fins de marchés), se chauffer (palettes). Vivre des ressources de l’espace public est ainsi le lot de la plupart des personnes sans domicile fixe (Pichon, 2010), elles échangent là  le mépris des personnes incluses contre quelques monnaies. Quelques soient ces stratégies, elles ne garantissent jamais une régularité  de revenu à  laquelle les salariés sont habitués.


LA PRÉCARITÉ  D’ ÊTRE  ÉTRANGER. Le fait d’ être loin de sa famille, de son milieu d’origine, de son pays d’origine, met la personne en décalage par rapport  à la culture dominante. Les familles d’immigrés ont souvent une vie sociale majoritairement intracommunautaire et habitent, parfois  à leur corps défendant, dans un quartier où  la culture dominante est  étrangàre Senini (2013), c’est dans la confrontation au monde scolaire et  économique qu’elles peuvent se sentir en situation d’exclusion. Les immigrés isolés, notamment les hommes, sont souvent dans une grande mis re matérielle et humaine, ils sont dans un grand isolement concernant leur vie affective (Ben Jelloun,1977).


Pour les  étrangers provenant de l’extérieur de la zone Schengen, c’est-à-dire qui ne sont pas   citoyens européens, l’autorisation de séjourner en France est soumise   des renouvellements qui doivent  être validés par une démarche en préfecture. Senini (2013) raconte combien cette démarche est difficile et angoissante pour beaucoup d’ étrangers ayant un faible niveau d’expression en français, ils peuvent avoir du mal   s’expliquer correctement avec le fonctionnaire qui les reçoit et ne pas avoir sur eux l’ensemble des attestations et documents demandés pour le renouvellement. Ils courent ainsi le risque de ne pas obtenir leur renouvellement de visas dans les délais impartis.

En France, les personnes  étrangères en situation irrégulière ne peuvent prétendre  

aucun revenu de solidarité  et n’ont pas le droit de travailler. Leurs seules ressources sont les aides de leur milieu ou de leur famille, les aides distribuées par les associations caritatives et le travail non déclaré.

Cette situation d’extrême précarité  est supportée provisoirement pour assumer des délais administratifs de régularisation d’un séjour mais elle peut se prolonger sans limite lorsqu’une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) est signifié à la personne (Service public.fr, 2016).

  "Les démarches de demande d’asile – auditions, attente plus ou moins longue pour l’ étude du dossier, réponse négative à  la demande d’asile, conditions de séjour provisoires, liées à  une précarité  sociale – entrent souvent en résonance avec les  événements et les traumatismes  à l’origine de l’exil. Les difficultés administratives et leurs conséquences s’additionnent aux épreuves qui résultent directement de la migration et de ses deuils, aggravant les conséquences psychiques."  (Hauswirth et al., 2015)


LA PRÉCARITÉ  D’ÊTRE SANS DOMICILE. 

En France, le logement participe de

l’ économie de marché . Actuellement, la pénurie de logements, variable selon les zones, met les foyers en situation de concurrence. Les personnes les plus pauvres ont donc plus de difficulté à accéder à  un logement avec, pour certaines, une absence de logement qui les conduit  à se faire héberger dans la famille, chez des amis, dans des centres d’hébergement  à court ou moyen terme. Certaines personnes seules ou en famille se trouvent même à  la rue. Pour une personne sans domicile fixe, les solutions d’hébergement  à court terme se succèdent au gré  des propositions du 115 (numéro de téléphone à  appeler pour obtenir un hébergement d’urgence local). Les personnes dans cette situation emmènent avec elles un maximum de leurs affaires et dispersent leurs autres biens chez des amis ou dans des consignes spécialisées.


LA FRAGILITÉ  DE SANTÉ . 

Un facteur de précarité  est la maladie. Qu’elle soit somatique ou psychique, la maladie met en cause la capacité  de travail et par là la pérennité  du revenu. De plus, certaines pathologies psychiatriques sont défavorables  à l’entretien du logement, aux relations de bon voisinage, à  la régularité  des versements du loyer, tous ces facteurs pouvant conduire  à une expulsion et perte du logement.


UN CUMUL DE FRAGILITÉS. 

Chaque type de fragilité  peut trouver sa solution lorsqu’il s’agit d’une unique forme de précarité mais, malheureusement, pour un certain nombre de personnes, les précarités se cumulent et se conjuguent. De plus,  les personnes en situation de grande précarité, et en particulier les SDF, sont non seulement dans une situation inconfortable du point de vue de leurs conditions de vie, mais elles sont  également confrontées  à des réactions de rejet et de discrimination de la part de leurs concitoyens (Schiltz, 2014).

D’ après Griffiths (2015), les américains sans domicile (hébergés ou vivant sous tente ou abris) souffrent d’une incapacité  de travailler, de difficultés  à trouver des ressources et font souvent partie de minorités ethniques ou sexuelles, en outre ils présentent des maladies psychiques et physiques, dont la toxicomanie, le handicap.

Colignon (2008) décrit plusieurs usagers comme cumulant les difficultés :

  "Françoise souffre de diabète. Elle dort avec sa petite fille dans des chambres

d’hôtel qu’elle quitte tous les trois jours. Elle doit suivre un régime, mais se

nourrit de sandwichs au kebab du coin. Sa condition actuelle et l’ énergie

qu’elle déploie pour survivre viennent se superposer  à des problèmes de santé 

qu’elle ne peut ignorer, certes, mais qui sont insurmontables au quotidien. […]

Angèle a arrêté  de travailler suite  à son accident cardiaque. Elle est suivie par

une référente RMI depuis plusieurs années. Son traitement très lourd ne lui

permet pas de reprendre un emploi  à plein temps. […] Lise ne sort plus de chez

elle. […] à  part le centre de soins où  elle va chercher ses médicaments et voir

son psychiatre, elle rompt systématiquement avec toute forme de soutien." 


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Références :

- Colignon M. (2008), Exclusion et médiation en art-thérapie. La violence de l'exclusion, Empan,

2008/4 (n  72), p. 131-136. DOI 10.3917/empa.072.0131

- Griffith, F.J. et al. (2015), Psychotherapy Reframing art therapy to meet psychosocial and

financial needs in homelessness, The Arts in Psychotherapy 46, 2015, p. 33-40

- Hauswirth M. et al., (2004), Un improbable refuge. Les r percussions sur la santé  mentale des

procédures en mati re d'asile, Psychothérapies, 2004/4 (Vol. 24), p. 215-

222.DOI10.3917/psys.044.0215

- Observatoire des inégalités, (26 mars 2016), La pauvreté  progresse en France, récupéré  le 15 avril 2016 sur http://www.inegalites.fr/spip.php?article270

- Service-public.fr (2016). Décision d’obligation de quitter la France. Récupéré  le 15 avril 2016

sur le site Service-public.fr

- Schiltz, R. et al. (2015). La honte d’ tre soi. De l’int r t de la psychothérapie à médiation

artistique pour la réhabilitation des personnes en situation d’exclusion sociale, Annales Médico-

Psychologiques, 173 (2015), p.681–687

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